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L’enfant adopté : en quête de sens ou d'identité?

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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:32

L’enfant adopté : en-quête de sens et questions d’identité

Yves-Hiram Haesevoets

Introduction : enfant de personne ou enfant de personnes?

Le thème de l’adoption est largement abordé dans la littérature. Les biographies psychologiques sont de plus en plus nombreuses. Le phénomène de l’adoption est pourtant comme un arbre qui cache la forêt. Comme sujet d’actualité socio-psychologique, l’adoption est un thème de plus en plus médiatisé et paradoxalement, le nombre d’enfants adoptés n’évolue pas. Par contre la quantité d’enfants orphelins, abandonnés et livrés à eux-mêmes ne cesse d’augmenter partout dans le monde. En relation avec des contextes difficiles, des conflits armés, des massacres et autre épidémie planétaire, beaucoup d’enfants « adoptables » sont enrôlés dans des circuits d’exploitation et/ou détournés de leur vraie vie. Face à l’inégalité croissante et à la fracture sociale grandissante, les enfants ne sont pas égaux devant les malheurs existentiels. Autrement dit, tous les enfants abandonnés ne deviennent pas des candidats à l’adoption. L’adoption s’articule pourtant de manière quasi dialectique avec le phénomène de l’abandon. Pour certains, l’adoption représente la seule manière de s’assurer une descendance. Outre d’éventuels problèmes de stérilité, cette filiation légale offre aux plus nantis l’opportunité d’exprimer leur désir d’enfant autrement que par la voie de la procréation ordinaire.

Malgré le nombre réduit d’enfants adoptés, l’adoption comme problématique singulière intéresse cependant plus les médias et attisent la curiosité et l’intérêt du grand public. Tantôt décriée, tantôt idéalisée, l’adoption est devenue un réel phénomène sociologique. N’empêche que certaines familles adoptives traversent des épreuves plus ou moins douloureuses et que certains enfants adoptifs souffrent de quelques vicissitudes (existentielles et/ou psychologiques) intimement liées à la pénibilité de leur histoire personnelle.

A priori, l’adoption ne comporte pas en soi de particularités pathologiques en termes de conflits interpersonnels ou de troubles psychiques spécifiques. Ce sont plutôt les circonstances de l’adoption et les conditions dans lesquelles elle s’exerce qui influencent le devenir de l’enfant adopté et le développement de sa personnalité. Lorsqu’ils consultent, les adoptants attribuent souvent au seul fait de l’adoption les troubles présentés par l’enfant adopté. De nombreux adolescents adoptés justifient aussi la cause de leurs problèmes, de leur malaise, de leurs fugues ou de leur révolte par leur situation d’adoption. Dans le domaine de la psychopathologie infanto-juvénile, les symptômes, angoisses, troubles du comportement et inhibitions ne sont pas spécifiques des enfants adoptés et se retrouvent dans la population générale. Mêmes si des questions spécifiques se posent, les enjeux psychologiques et familiaux qui sous-tendent les relations affectives entre parents et enfant sont analogues à ceux des autres familles. Les problématiques dépendent aussi du mythe familial, des troubles individuels endogènes, des transactions interpersonnelles, de l’histoire de chacun des parents et des ressources mobilisées pour traiter les difficultés rencontrées. Même informé de ce que ses parents ne sont pas ses géniteurs et dès lors qu’il prend conscience de sa « différence », l’enfant adopté n’échappe pas aux transactions habituelles qui fondent sa constellation familiale. Au même titre qu’un enfant lié chromosomiquement à ses géniteurs, il intègre le conflit oedipien, il fait la découverte de la scène primitive, élabore fantasmatiquement un roman familial, se construit narcissiquement, s’individualise, etc. Ces remaniements psychiques font partie de son héritage et participent à la structuration de son identité et de sa pensée. Indépendamment de sa continuité génétique, l’enfant adopté, surtout s’il a été accueilli très tôt, s’inscrit dans une généalogie, une parentalité réciproque et une filiation, de la même manière qu’un enfant dit « naturel ».

Dans certains contextes parfois difficiles, la question de l’abandon vient souvent télescoper celle de l’adoption. Il n’est pas rare de constater chez les enfants adoptés des troubles psychoaffectifs en relation avec le fait d’avoir été abandonné par leurs parents biologiques. Les parents adoptifs doivent gérer les blessures affectives de l’enfant liées à son expérience d’abandon. Les difficultés que vit l’enfant sont presque toujours les mêmes mais il peut les subir de façon plus ou moins intense. L’enfant éprouve l’angoisse de rétablir une relation d’attachement affectif, de peur d’être de nouveau « trahi » et abandonné. L’angoisse réveille un sentiment de culpabilité ou la perte de l’estime de soi : « j’ai été rejeté parce que je ne valais rien ». Enfin, apparaissent des sentiments d’agressivité que l’enfant retourne contre lui-même ou contre les autres, en fonction de son tempérament et de son âge. Le processus d’attachement aux parents adoptifs dépend autant de la capacité de l’enfant à « s’ouvrir » à ses nouveaux parents que de la « force affective » des parents adoptifs. Ces difficultés sont différentes selon les individus qui traversent parfois des périodes de réaménagements psychiques surtout au moment de l’adolescence. Les questions identitaires émergent et peuvent occasionner d’éventuels problèmes personnels d’intensité variable. L’enfant qui naît sous anonymat est parfois un enfant sans droit absolu qui rêve aussi de parents idéaux. Il est comme la fleur sans racines qui ne parvient pas à éclore.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:34

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Un questionnement identitaire légitime

Les enfants adoptés sont-ils plus susceptibles de développer un trouble de l’identité ou de la personnalité? Ceux qui entreprennent des recherches sur leur origine risquent-ils de perturber leur existence et de subir plus de problèmes psychoaffectifs que ceux qui ne s’y intéressent pas? Existe-t-il des liens entre trouble de l’identité ou de la personnalité et adoption? Peu d'études sont consacrées à ce sujet mais quelques unes semblent démontrer que certains troubles spécifiques apparaissent après coup dans certaines situations où l’abandon serait à l’origine d’un stress post traumatique. L'écoute de la souffrance de certains enfants adoptés devenus adolescents ou adultes apportent de nombreux témoignages et contribuent à mieux comprendre ces problèmes.

« Qui m’a mis au monde et pourquoi ai-je été abandonné par cette personne? » est probablement la question universelle que se posent de nombreux enfants adoptés. La recherche d’une réponse ressemble parfois à un parcours initiatique prévalant à une sorte de renaissance ou de réconciliation avec soi-même. Au-delà des réponses qui blessent parfois, la personne adoptée essaye de mieux se connaître, de retrouver la confiance en soi et de continuer à se construire.

« Pour quelle raison suis-je venu au monde? » revient parfois comme une idée fixe et confronte l’enfant adopté à la question de l’amour et du désir à l’origine de sa naissance. A l’adolescence, l’enfant adopté traverse une crise existentielle qui remet en question de nombreux aspects de son histoire. Il imagine son parent naturel jusqu’au fantasme. Il pense que son géniteur fait partie de lui, que son sang coule dans ses veines ou qu’il lui appartient.

« Qui est cette femme qui m’a porté? » est une question essentielle qui amène souvent la personne adoptée à revenir sur son lieu de naissance et/ou rechercher la moindre trace de sa mère, le moindre témoignage de ceux qui l’ont connue.

« En me mettant au monde, est-ce que ma mère a pensé à moi et aux conséquences de mon abandon? » est une question plus sophistiquée qui rend encore plus difficile, voire impossible, le recueil d’une réponse satisfaisante. Cette quête quasi spirituelle peut conduire à une véritable obsession et engendrer des complications inattendues et perturbatrices pour l’équilibre psychique de la personne. Impliquant de grosses déceptions, cette recherche des origines peut réactiver des traumatismes précoces sans savoir qu’en faire et comment réagir.

Se retrouver ainsi confronté à sa propre histoire en faisant marche arrière sur le passé de ses origines, implique inévitablement des moments difficiles et bouleversants qui ouvre des blessures profondément ancrées. Psychiquement, cette manière de retourner le couteau dans la plaie de son histoire n’est pas sans danger. Il ne suffit de retourner les traces de ses origines pour guérir du traumatisme de l’abandon.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:36

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Quelques données cliniques

D’après Wilson et al. (1986) qui ont étudié les troubles « borderline » chez les sujets adoptés, beaucoup de patients adoptés hospitalisés (10 sur 21) présentent un diagnostic de trouble de la personnalité « borderline ». Les psychiatres américains observent une sur-représentation parmi les personnes adoptées des garçons avec trouble de l'identité de genre. Le pourcentage de garçons avec des problèmes d'identité de genre qui avaient été adoptés très tôt (7.6%) semble plus important que ceux des garçons adoptés durant les deux premières années de leur vie (1.5%). Slap G, Goodman E, Huang B. (2001) considèrent l’adoption comme un des facteurs à risque pour des tentatives de suicide durant l'adolescence. Les personnes adoptées diffèrent des personnes non adoptées sur 4 des 26 variables. Ils semblent plus disposés à faire des tentatives de suicide (7.6% contre 3.1%) et à avoir reçu des soins psychologiques dans l'année précédente (16.9% contre 8.2%), alors que leur mère présente une plus grande éducation parentale et perçoit de bons revenus familiaux.

Hjern A, Lindblad F, Vinnerljung B. (2002) étudient les risques suicidaires, les suicides, les maladies psychiatriques et les problèmes d’inadaptation sociale chez les personnes adoptées venant d'un autre pays en Suède. Les adoptés en Suède présentent un risque élevés de problèmes mentaux graves et d'inadaptation sociale à l'adolescence et au début de l’âge adulte.

Cubito D. et Brandon K. (2002) analysent les modifications psychologiques chez les adultes adoptés (estimation de la souffrance, depression, et colère) en contact ou non avec leurs parents biologiques. Cette analyse considère les critères suivants : le genre, le statut de leurs recherches, ceux qui n'avaient jamais cherché, ceux qui cherchaient, et ceux qui avaient eu un contact avec leurs parents biologiques, et les antécédents d'utilisation de services de santé mentale. Comparé à des données normatives, l'échantillon a rapporté des niveaux considérablement plus élevés d'inadaptation psychologique; seules les femmes adoptées avaient un score plus élevé de mesure de colère. Les scores moyens des adoptés étaient élevés mais ne s'approchaient pas des niveaux typiques des populations non hospitalisées.

Warren (1992) rapportant des données épidémiologiques à partir d’un échantillon national de 3698 adolescents, parmi lesquels 145 sont adoptés, indique que l'adoption augmente sensiblement la probabilité d'orientation vers un traitement psychiatrique, même après avoir observé le fait que les personnes adoptées affichent plus de problèmes comportementaux et viennent de familles plus éduquées. Cette situation s'explique par le fait que les adoptés sont plus facilement envoyés en consultation même lorsqu’ils affichent peu de problèmes. Ainsi, contrairement au mythe populaire et à la tradition clinique, la sur-représentation des jeunes adoptés dans les institutions n'est pas attribuable seulement au fait que les adoptés développent plus de problèmes.


La question de l’abandon, entre solution du désespoir et du moindre mal

L’enfant sans famille et élevé en institution n’a pas l’opportunité de se construire de la même manière qu’un enfant qui évolue auprès d’une famille de substitution. Lorsqu’il ne dispose pas de substituts parentaux, l’enfant abandonné éprouve d’énormes difficultés à se projeter fantasmatiquement, à se construire narcissiquement et à trouver des repères identitaires suffisamment fiables. Par manque de relais parentaux, ses processus psychiques en panne génèrent alors des cas de névroses de destinées, des psychoses mélancoliques ou des débilités névrotiques. L’enfant abandonné ayant vécu sans famille de substitution tente alors d’élaborer psychiquement son propre roman familial lui servant d’appui à des modèles identificatoires parfois originaux mais souvent défaillants (troubles du lien, abandonnisme). Par certains mécanismes plus ou moins pathologiques, des passages à l’actes (fugues, drogue, délinquance, etc.) ou des expériences extrêmes, il fait des tentatives pour élaborer les fondements de son narcissisme affectivement carencé par des événements précoces dévastateurs (angoisses de néantisation ou de morcellement). En errance, il cherche parfois à retrouver quelques traces de ses origines, recherche des parents idéaux ou abandonne l’idée qu’il a eu des géniteurs.

Parfois blessé par les circonstances de la vie, l’enfant abandonné cherche à compenser et regrette d’avoir eu ces parents-là et pas d’autres. Suivant les mêmes raisons que certains enfants légitimes malheureux, maltraités ou déçus par des parents « vulnérables », il imagine d’autres géniteurs et s’invente un destin différent. Le fantasme compense ainsi les blessures de l’enfance même si le principe de réalité ne coïncide pas avec son nouveau roman familial.

Il semble difficile de comprendre pour un enfant adopté les raisons qui ont poussé ses parents (sa mère en particulier) d’origine à l’abandonner. Différents cas de figure existent et il serait fastidieux de tous les décrire. Différentes circonstances conduisent à l’abandon, à la perte ou à la séparation. Erreur de jeunesse ou de parcours, adolescente enceinte, grossesse accidentelle ou non désirée, difficultés socio-économiques insurmontables, décès des parents, troubles mentaux des parents, déchéance de la responsabilité parentale, etc.

La plupart des parents qui abandonnent leur enfant ne sont pas indifférents à son sort mais préfèrent cette solution en souhaitant qu’elle lui laisse plus de chance et d’opportunité de bonheur. Le manque, l’absence et la culpabilité des parents qui abandonnent restent présent à leur esprit même s’ils reconstruisent leur vie de manière différente, mettent au monde et élèvent d’autres enfants.

Ces situations ne sont pas toujours faciles à vivre et certains préfèrent oublier. Ils appréhendent cependant le jour où l’enfant qu’ils ont abandonné viendra frapper à leur porte. La culpabilité du parent qui abandonne fait écho à travers la trace laissée par l’oubli.

Certains parents recherchent activement l’enfant qu’ils ont abandonnés. Toutefois, l’enfant adopté bénéficie d’une certaine protection. Une fois abandonné officiellement, il est sous la responsabilité juridique de l’Etat et/ou de ses parents adoptifs. Même majeur, il n’est pas obligé d’autoriser son parent à reprendre des contacts avec lui.


L’adoption comme filiation alternative et légale

L’adoption est une forme particulière de filiation régie par la législation et déjà inscrite dans le droit romain. Cette filiation organisée par le droit existe dans de nombreux pays et apparaît à différentes époques tantôt comme un besoin collectif (transmission du patrimoine) ou politique (succession du pouvoir), tantôt pour satisfaire des demandes plus individuelles (mariages stériles, aide aux enfants abandonnés, secours collectif aux enfants déshérités). Dans certaines cultures, les pères issus des classes sociales aisées ont besoin d’un fils pour maintenir l’héritage du côté du pouvoir et de la propriété. Dans l’adoption moderne, d’autres motivations gagnent les esprits, comme le simple désir d’être parent ou le fantasme d’enfant.

D’une part, le droit d’être parent au-delà de l’exercice de la sexualité ou de la procréation naturelle apparaît dans une société occidentale où le droit à la contraception et à l’avortement s’érige en modèle de liberté. D’autre part, avoir un enfant devient le modèle sublimé de néantisation de la pulsion de mort qui accompagne l’être humain tout au long de son existence.

Soucieux de sa descendance et de son héritage, et du fait de la stérilité de son épouse Joséphine, Napoléon Bonaparte s’est préoccupé de légiférer en matière d’adoption. Déjà sous l’empire romain, le pouvoir se transmet non par les liens du sang ou de la famille, mais par l’adoption tardive d’un successeur jugé digne de confiance et compétent. Tout en s’inspirant du droit romain, le Code Napoléon a donné le code civil (1804) des Français élaboré au début du XIXe siècle. Résultant de la sociologie de l’époque, le Texte de loi protège le patriarcat dominant et surtout le patrimoine. En protégeant les héritiers « légitimes » des aventures anteconjugales ou extraconjugales de leur père, il délègue aux enfants naturels et aux « bâtard » l’ignorance des origines. Cette mentalité ancestrale se retrouve en filigrane de tous les textes suivants. L'idée de l'adoption plénière comme une « nouvelle naissance » s'inscrit dans cette même tradition. Recueillir un enfant et lui transmettre son nom et son héritage n’a pas été accepté aussi facilement au cours de l’histoire contemporaine (l’adoption des enfants n’est légale en France que depuis 1923). A partir des années cinquante, la législation des pays démocratiques offre aux enfants adoptés des garanties en imposant les conditions légales qui aménagent à la fois l’abandon et le projet d’adoption.

L’adoption motivée par le simple désir d’enfant remet ainsi en question les fondements traditionnels de la société patriarcale, de la transmission patrimoniale et de la filiation légitime. Alors qu’aujourd'hui, il n’existe plus d’enfant illégitime, naître dans l’anonymat d’un dossier et disparaître dans les méandres d’une administration dépositaire d’un secret est encore possible.

Dans nos sociétés, la tradition du secret est relativement ancienne et profondément ancrée à l’histoire de la famille. L’adoption implique souvent des secrets et des tabous. Or, plus il existe de secrets ou des non-dits, plus les enfants fabriquent des symptômes et plus les familles souffrent de génération en génération. Plus la filiation est incertaine, moins l’identité de l’enfant adopté se retrouve dans les chemins escarpés de son histoire familiale. Les enfants abandonnés ou adoptés souffrent souvent du climat de secret entourant leurs origines et/ou les causes de leur placement familial.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:39

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La révélation de l’adoption : les enjeux inconscients d’un tabou

Depuis des années, les parents adoptifs sont conscients qu’il est important d’informer l’enfant à propos de son adoption et de ses origines. Il ne suffit pourtant pas de lui montrer une ancienne photo, de lui indiquer sur une carte le pays d’où il vient ou la pouponnière où il est né. Afin de désamorcer l’éventuel traumatisme de son abandon ou les perturbations induites par la découverte de sa filiation originale, il importe de lui dire la vérité le plus tôt possible. Même difficile, cette décision d’informer l’enfant apparaît comme essentielle à son épanouissement personnel et à la construction de son identité. Toutefois, les parents adoptifs sont souvent angoissés à l’idée que l’enfant les rejette ou soit perturbé à long terme par cette annonce qu’ils ne sont pas ses « vrais parents ». L’enfant découvre ainsi que ses fantasmes originels (la généalogie par le sang) ne correspondent pas à la réalité et qu’il est issu d’une autre filiation.

Même si dans un premier temps, les enfants réagissent de manière différente ou inattendue, il importe de rester disponible et sensible aux nombreuses questions qu’ils (se) posent, et continuent de poser au cours de leur existence. Cette révélation peut faire l’objet d’un accompagnement soutenant de la part d’un spécialiste de l’adoption. Il ne faudrait cependant pas imaginer qu’il suffit de lever le secret concernant l’adoption pour faire disparaître les difficultés psychologiques propres à l’enfant. Dans certaines situations, la non révélation participe à des troubles psychoaffectifs présents chez l’enfant. Plus ou moins associé à des transactions systémiques peu favorables à la communication de l’information et/ou à une histoire familiale particulière, le maintien du secret relève de certains désirs inconscients relativement complexes.

A cause d’une culpabilité intimement liée à leur propre roman familial, il arrive aussi que les parents adoptifs refusent catégoriquement de révéler à l’enfant sa véritable filiation. Avec un décalage d’une génération, ils réactualisent leur propre culpabilité à travers l’enfant adopté actuel qui représente symboliquement l’enfant réparateur ou celui qu’ils auraient voulu être dans leur propre histoire. Par le biais de l’adoption, ils se réconcilient avec leur traumatisme infantile ou veulent maintenir hors de portée cette culpabilité qui les ronge. La révélation de l’adoption pourrait réactiver les ressentiments et les angoisses liées à leur propre roman familial. Ils ne veulent pas que leur enfant idéalise ses parents naturels et se désolidarise de leur filiation. Par l’analyse de ces craintes concernant la révélation de l’adoption et/ou la recherche des géniteurs, il est possible de mieux comprendre les déterminants de l’adoption. Cette crainte des adoptants corresponde souvent à des mécanismes inconscients de protection, souligne la dynamique intrafamiliale et révèle le sens profond de la place symbolique de l’enfant adopté dans l’économie psychique des parents adoptifs.

Le désir conscient ou inconscient de ne pas transmettre la vérité à l’enfant adoptif est souvent révélateur d’une démarche plus psychopathologique de déni relative à la dénégation de la sexualité et du besoin de procréation. Au-delà des problèmes de stérilité ou d’infécondité (soulevant des problèmes personnels sexuellement tabous), l’enfant découvre en plus la signification de son adoption comme inclue à l’économie psychique des adoptants. L’ignorance sur ses origines, la sexualité et la procréation créent toujours chez l’enfant des sentiments mitigés qui troublent son développement et entretiennent des angoisses tardives, d’autant plus lorsque les parents ne parviennent pas toujours à bien transmettre ces informations. La connaissance précoce permet pourtant au psychisme de l’enfant de mieux se construire et peut réduire l’effet traumatisant des fantasmes originaires. Le dévoilement de l’adoption révèle parfois différentes couches de secret et atteint des zones d’intimité personnelle souvent difficile à découvrir, à vivre ou à exprimer. La maîtrise du stress émotionnel induit par ce genre de situation est aussi révélatrice de la bonne santé psychologique des protagonistes.

La révélation de son adoption à l’enfant adopté remet parfois en cause les capacités de procréation du couple adoptif et/ou la stérilité de la femme ou de l’homme. Cette transmission d’informations gardées secrètes à un moment ou à un autre renforce aussi les fantasmes inconscients concernant la vie sexuelle et le désir d’enfant des parents adoptifs. La difficulté d’être parent biologiquement peut révéler une sorte d’incompatibilité à s’assumer en tant que couple. L’incompatibilité biologique entre partenaires sexuels peut également remettre en cause leur durabilité relationnelle. Atteint dans sa puissance créatrice et narcissique, l’un ou l’autre partenaire peut décider de rompre. La rupture signifie qu’il délaisse l’autre à sa problématique de stérilité. La crise de la stérilité n’implique pas toujours une rupture définitive. En dépassant cette période de déséquilibre et en renouant d’autres liens libidinaux gratifiants et restructurants, le couple peut élaborer un nouveau projet et voir émerger un désir d’adopter ensemble un enfant qui représentera le prolongement réel du couple réparé. L’adoption comblerait ainsi l’incapacité de procréer du couple adoptif ou l’infécondité de l’un ou l’autre des partenaires.

La manière dont l’enfant adopté est investi par ses nouveaux parents et la place qu’il occupe dépendent de son rôle dans l’imaginaire familial. Sa répercussion sur l’économie psychique des adoptants se révèle soit comme objet d’investissement et de réparation, soit comme objet persécuteur évoquant les souffrances ou les frustrations liées à la stérilité. Vivant de manière traumatique sa situation d’infécondité, la femme qui adopte peut vivre l’adoption comme le rapt de l’enfant d’une autre. Avec une certaine dose de culpabilité anxieuse, elle vit ainsi dans la crainte ou le fantasme que la mère naturelle peut toujours venir le récupérer ou que l’enfant peut aller la retrouver. Cette idée renforce le fantasme qu’enfant et mère se recherchent mutuellement et que leur lien reste indissoluble dans le temps. Chez l’homme, la stérilité masculine rime souvent avec des fantasmes d’impuissance et réveille l’angoisse de castration. La stérilité réduit à néant le pouvoir de donner la vie et de se projeter de manière narcissique sur sa descendance. Les blessures qui en écoulent peuvent produire des états dépressifs, des sentiments d’anéantissement et impliquent le deuil du désir d’enfant.

Ces positions inconscientes varient d’une situation à l’autre et démontrent que l’angoisse de la révélation de l’adoption est parfois activée par des fantasmes de perte, de dépossession, de rupture, d’échec et d’abandon mais aussi par des blessures symboliques d’origine narcissique. Cette révélation est d’autant plus complexe à assumer que le couple s’est reconstruit fantasmatiquement à partir de cette adoption. De manière idéologique, les parents imaginent que tant que l’enfant continue à croire à sa filiation naturelle, ils sont protégés contre leurs blessures narcissiques profondes, notamment le fait de ne pas avoir réussi à procréer par eux-mêmes. La révélation risque de les ébranler au niveau de leurs représentations fantasmatiques jusque là maintenues par leur dénégation et leur mythe familial. La sublimation de leurs blessures par l’adoption ébranlée par la révélation peut alors remettre en cause le désir à l’origine de leur projet. A contrario, l’aisance à informer l’enfant reflète leur capacité à résoudre les conflits sous-jacents aux mouvements inconscients qui permettre la résolution du complexe oedipien. Plutôt que de s’assurer de leur volonté de révéler, il importe donc de soutenir leurs compétences à exprimer leurs émotions et à mieux comprendre certains enjeux plus ou moins inconscients qui nouent les transactions intra-familiales à partir d’un secret symptomatique.

Une situation d’adoption révèle à elle seule des enjeux personnels et familiaux toujours complexes, intimement associés à des désirs inconscients et des éléments pulsionnels jusque-là refoulés par des mécanismes de défense spécifiques du fonctionnement psychique individuel. La révélation de l’adoption réveille ainsi chez les parents adoptifs un matériel refoulé, parfois traumatogène, touchant de très près leurs conflits intérieurs relatifs à leur vie sexuelle et leur désir de procréation. Chez l’enfant adopté, la découverte que ses parents ne sont pas ses géniteurs ne remet pas en cause sa conviction d’avoir des parents dans la réalité. En découvrant de nouveaux sentiments, parfois ambivalents ou ambigus, l’enfant apprend aussi à établir la différence entre les liens du sang et ceux de l’affectivité. Parce que intimement incrustée à la problématique de l’adoption, la révélation réconcilie l’enfant adopté à l’amour parental vécu au-delà du lien physique et de la procréation, et établi dans le contexte d’une famille légitime.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:41

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Caractéristiques développementales et psychosociales de l’enfant adopté

Suivant des mécanismes d’identification et d’attachement, les enfants se forgent une image positive de leur identité et de leur bien-être psychosocial. Ils élaborent progressivement un concept de soi et une estime de soi. Ils finissent par apprendre à se sentir à l’aise avec eux-mêmes et avec les autres. L’adoption peut rendre ces questions normales de l’attachement, de la perte et de l’image de soi encore plus complexes. Les enfants adoptés doivent apprendre à accepter et à intégrer à la fois leur famille naturelle et leur famille adoptive.

L’enfant adopté même nourrisson est affecté par l’adoption. Cette particularité sera au coeur de son existence toute sa vie. Celui qui est adopté plus tard apprend à accepter l’adoption à une autre phase de son développement. Celui qui a vécu des traumatismes ou de la négligence peut se souvenir de ces expériences, qui compliquent davantage son image de soi. Les questions transraciales et interculturelles et les besoins spéciaux peuvent également influer sur l’expérience d’adoption de l’enfant. Tous les enfants adoptés, dans une certaine mesure, font le deuil de leur famille naturelle, de leur héritage et de leur culture. Suivant l’avis du Comité de la pédiatrie communautaire , les parents adoptifs peuvent faciliter ce processus de deuil naturel et y contribuer en utilisant des mots précis à propos de l’adoption et en discutant des questions d’adoption sans trop de tabou.

De la prime enfance à l’adolescence, les enfants comprennent le sens de leur adoption suivant différentes étapes. Pendant la première et la petite enfance, l’enfant s’attache au principal fournisseur de soins et noue des liens avec lui. Les questions prénatales, comme la durée de gestation, l’usage de drogues ou d’alcool par la mère naturelle et les vulnérabilités génétiques peuvent influer sur la capacité d’adaptation de l’enfant. L’influence de toutes les personnes en relation avec lui depuis sa naissance entre également en jeu.

À mesure qu’il approche de l’âge préscolaire, l’enfant développe une pensée magique, c’est-à-dire que le monde de la fantaisie lui sert à expliquer ce qu’il ne peut comprendre. L’enfant ne comprend pas la reproduction, et il doit d’abord prendre conscience qu’il a eu une mère naturelle et qu’il est né de la même manière que les autres enfants. Même si, dès l’âge de trois ans, un enfant peut répéter l’histoire de son adoption, il ne la comprend pas. Il doit d’abord saisir le concept de temps et d’espace, qu’il acquiert généralement entre quatre et cinq ans, pour comprendre que certains événements se sont produits dans le passé, même s’il ne s’en souvient pas. L’enfant doit comprendre que des lieux et des gens existent à l’extérieur de son environnement immédiat.

En racontant à l’enfant l’histoire de son adoption dès ce jeune âge, les parents peuvent apprendre à se sentir à l’aise avec le langage de l’adoption et avec l’histoire de la naissance de leur enfant. L’enfant doit savoir qu’il a été adopté. L’ouverture, l’empathie et l’aisance des parents créent un environnement favorable pour que l’enfant se sente autorisé à poser des questions au sujet de son adoption.

La pensée opérationnelle, la causalité et le raisonnement logique émergent chez l’enfant d’âge scolaire. L’enfant tente alors de comprendre et de maîtriser le monde dans lequel il vit. Il parvient à résoudre des problèmes. Il se rend compte que la plupart des autres enfants vivent avec au moins un membre de leur famille biologique. Pour la première fois, il se perçoit comme différent des autres enfants. Il peut chercher à s’expliquer la raison pour laquelle il a été adopté et éprouver des sentiments de perte et de tristesse. Il commence à percevoir l’envers de l’histoire de son adoption et peut se poser des questions plus personnalisées : Pourquoi sa mère naturelle l’a-t-elle mis en adoption? L’enfant peut se sentir abandonné et en colère. À cet âge, il est normal d’observer de l’agressivité, de la colère, un repli sur soi ou de la tristesse, et des troubles d’image de soi chez l’enfant adopté. L’enfant tente de reformuler les parties de son histoire qui sont difficiles à comprendre. Malgré ses émotions douloureuses, il essaye de composer ou de sublimer. Par conséquent, la rêverie est très fréquente chez l’enfant adopté, qui tente ainsi de régler des questions d’identité complexes.

Le contrôle peut devenir un enjeu. Un enfant peut croire qu’il n’exerce aucun contrôle sur la perte d’une famille et son entrée dans une autre. Il peut ressentir le besoin de se faire rassurer quant à ses activités quotidiennes ou exiger des explications répétées sur de simples modifications à la routine familiale. Les transitions peuvent se révéler particulièrement difficiles. L’enfant peut éprouver une franche peur de l’abandon, avoir de la difficulté à s’endormir et même faire des cauchemars au cours desquels il se fait kidnapper ou il disparaît.

Il est utile d’expliquer à l’enfant que sa mère naturelle a fait un choix d’amour en le mettant en adoption, qu’elle avait des projets pour son avenir. L’enfant peut avoir besoin de se faire répéter cette explication encore et encore. Par ailleurs, il existe certaines similarités entre les symptômes de deuil et les symptômes reliés au trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention. Les parents doivent éviter de stigmatiser l’enfant, dès lors que son comportement s’inscrit dans le processus normal du deuil. La patience et la compréhension des parents sont essentielles à cette étape de la vie de l’enfant adopté. Les parents peuvent se montrer proactifs en informant les intervenants scolaires des deuils normaux reliés à l’adoption que vit leur enfant.

A l’adolescence, le principal défi lié au développement normal de l’adolescent consiste à se forger une identité tout en cherchant activement l’indépendance et la séparation de sa famille. L’adolescent adopté éprouve le besoin de comprendre ses deux couples de parents. Cette dualité peut produire un sentiment de conflit d’appartenance. Au début de l’adolescence, la perte même de l’enfance est un enjeu important. L’adolescent adopté a déjà vécu une perte, ce qui complique davantage le passage à l’adolescence. Cette période de développement peut être difficile et bouleversante. L’adolescent peut ressentir de la honte et une perte d’estime de soi, surtout parce que l’image qu’a la société des parents naturels est souvent négative.

L’adolescent adopté veut connaître les détails de ses antécédents génétiques et de son originalité. Il élabore diverses spéculations sur lui et sur sa famille adoptive pour établir des similitudes et des différences. Il tente d’établir quelle est sa place et d’où il vient. Tous les adolescents peuvent éprouver une réticence naturelle à parler avec leurs parents, et les adolescents adoptés peuvent éviter de partager avec leurs parents les questions relatives à leurs origines. Ils peuvent garder leurs réflexions pour eux. Cette quête d’information des adolescents adoptés est très normale, et les parents ne devraient pas la percevoir comme une menace. Les parents devraient plutôt accepter le double héritage biologique et socioculturel de leur enfant pour l’aider à s’adapter à cette réalité.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:42

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La blessure identitaire de l’enfant adopté

La majorité des enfants adoptés sont des enfants "désirés". Cette affirmation semble plus aléatoire pour les enfants biologiques. Il n’y aurait cependant pas de corrélation significative entre l’adoption et le désir d’enfant, mais plutôt entre les troubles identitaires de l’enfant adopté et la question de l’abandon traumatique. Ainsi, les personnes adoptées semblent consulter plus souvent pour des problèmes d’ordre psychologique que d’autres personnes. Ajoutons que les parents adoptifs sont probablement plus sensibles aux problèmes psychologiques de leur enfant ou réagissent de manière plus précoce parce qu’ils sont parfois mieux conseillés. L’accent sur les problèmes d’identité ou de personnalité stigmatisent aussi les jeunes adoptés qui peuvent en ressentir plus de difficultés psychoaffectives que les autres enfants.

La plupart des spécialistes de l’adoption reconnaissent que les enfants adoptés souffrent de problèmes psychologiques spécifiques. Dans un premier temps, ils se sentent mieux dans une nouvelle famille aimante que dans une précédente famille (famille d’origine) ou institution (orphelinat) dans laquelle l'enfant était négligé ou subissait des violences. Dans un second temps, ils commencent par se poser des questions ou ressentent des émotions particulières en relation avec leur environnement. Ils essayent parfois d’occulter leur histoire passée d’abandon mais des souvenirs refoulés refont surface. Dans tous les cas, perdre ses parents biologiques, soit parce qu'ils sont morts, soit parce qu'ils étaient mauvais (abus, négligence), malades, ou pour des raisons économiques ou autres,... représente un vrai traumatisme pour tout enfant, et certainement d'autant plus qu'il a vécu pendant un temps avec sa mère biologique ou ses parents naturels.

Lorsque l'enfant adopté est issu d'un autre pays ou d’une culture différente, les informations sur ses origines ou sur ses parents biologiques sont parfois inaccessibles. En l’absence d’information, l’enfant peut fantasmer les pires choses en cas de problèmes psychologiques. Les conditions de la grossesse, le non désir d’enfant, le fait d’être rejeté pour diverses raisons, l’événement qui entoure sa naissance,... restent alors un mystère. L’éventualité de troubles mentaux héréditaires, d’un avortement « avorté », d’un incident à la naissance ou d’autres problèmes plus systémiques reste toujours possible et peut devenir une véritable obsession névrotique.

Malgré ces vicissitudes bien réelles, l'adoption n'est pas un traumatisme en soi. Indépendamment des risques de développer un trouble de l’identité, le fait d’avoir été adopté représente une nouvelle chance pour l'enfant. Le traumatisme psychique dépend plus des circonstances de l'abandon (parfois un mal nécessaire), que des conditions de l’adoption. Indicateur de risque et de vulnérabilité psychique, ce traumatisme primaire implique une certaine bienveillance dans la manière dont les cliniciens découvrent et soignent un éventuel trouble identitaire ou une personnalité « état limite » chez une personne adoptée.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:44

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L’adoption comme processus d’attachement et d’identification

La question d’identité est fondamentale à l’épanouissement d’un être. Cette question est probablement centrale chez les enfants adoptés qui peuvent se retrouver soit dans un processus d’acculturation, soit confrontés à un dédoublement culturel et identitaire renforcé. De manière générale, les parents adoptifs se préoccupent surtout de la santé physique et des différences visibles chez leur enfant. Ils s’interrogent parfois sur une éventuelle maladie héréditaire. De manière légitime, ils se préoccupent ensuite de la différence psychologique, du regard des autres, de quelle manière leur enfant va s’attacher à eux et s’intégrer à son nouveau milieu. Indépendamment de leurs nombreux questionnements, les parents adoptifs doivent veiller à renforcer l’identité de l’enfant, son sentiment d’appartenance à sa famille, à son milieu social mais aussi à sa culture d’origine. Lorsque l’enfant est issu d’une autre culture et présente des dissemblances plus marquées, la différence s’affiche beaucoup plus mais les problèmes d’identité sont les mêmes.

L’adoption est une affaire de patiente, de coïncidence, d’attachement, d’identification et d’affection. Après une période de démarches et d’incertitude, lorsqu’un projet d’adoption se concrétise, l’aventure peut commencer. Après une période d’attente parfois assez longue, l’enfant finit par arriver. Même si elles ont fait l’objet de certaines discussions, se posent alors différentes questions comme si l’adoption exigeait plus des parents adoptifs que des autres parents. Avec l’arrivée d’une nouvelle personne dans la famille, la faculté d’adaptation est primordiale, tant pour les parents que pour les enfants.

Certains évoquent la période de la post-adoption, comme un défi à relever. Il importe de démystifier certaines idées reçues à propos de l’adoption. L’attachement instantané représente une fausse croyance qui provient de l’époque où les parents adoptifs venaient choisir l’enfant dans les orphelinats. Ils étaient alors convaincus que le premier enfant qui leur tendait les bras était celui qu’ils devaient adopter. Or, le processus d’attachement ne s’installe pas en fonction des sentiments (positifs ou négatifs) ressentis lors de la première rencontre. Cette première impression peut être faussée par différents éléments qui ne peuvent garantir l’installation d’un processus l’attachement favorable. Analogue à une naissance, l’adoption comporte des moments d’incertitude et de balbutiement. Il s’agit surtout de la rencontre entre deux êtres différents, qui ont probablement besoin l’un de l’autre. Une aventure humaine où la relation reste à construire.

Certains parents adoptifs rapportent cependant qu’ils ont éprouvé plus difficultés de créer des liens solides et stables avec leurs enfants adoptifs qu’avec leurs enfants naturels. Dans les situations où l’enfant adopté a déjà vécu dans une autre famille ou a évolué dans une institution, il a connu une autre réalité et doit s’adapter à de nouveaux repères parfois très différents. De manière radicale et sans aucune progression, tout ce qui concerne cette réalité originelle (les odeurs, les voix, les sons, l’ambiance, etc.) disparaît du jour au lendemain. Au début, il va essayer de retrouver instinctivement les traces de ce passé proche. Il va mobiliser son énergie psychique à survivre le mieux possible à cette rupture. Il ignore qu’il va vivre avec des nouvelles personnes qui vont devenir ses parents pour la vie. Ce stress émotionnel profond laissé par la trace de quelque chose qui s’évanouit progressivement dans les mânes du temps peut persister des années durant, voire même pendant la vie adulte. Conscients de ce trouble plus ou moins apparent, les parents adoptifs observent ces mécanismes psychologiques (souvent inconscients) et pensent à se mettre dans la peau de l’enfant adoptif pour l’aider à trouver son identité malgré certaines différences visibles ou invisibles.

L’origine ethnique de l’enfant adopté joue également un rôle significatif dans les processus d’attachement et d’identification. Aujourd’hui, l’adoption internationale est portée par les vagues de la mode et l’évolution des mentalités. Chaque année, des milliers de parents adoptent des enfants en provenance des cinq continents. Actuellement, ces jeunes enfants proviennent d’une vingtaine de pays (principalement la Chine, Haïti, la Russie, le Vietnam, la Thaïlande, le Brésil et la Colombie). De manière générale, les spécialistes de l’adoption observent que les enfants issus de l’adoption internationale s’adaptent assez bien à leur nouveau milieu, surtout s’ils ont été adoptés très jeunes. La plupart de ces enfants venus d’ailleurs bénéficient des meilleurs soins et de bonnes conditions d’accueil. Lorsque l’enfant est d’une autre couleur de peau que celle de ses parents adoptifs, le regard des autres et les questions sont souvent dérangeantes. En filigrane des réflexions se révèlent diverses formes de racisme ou de xénophobie. Ces attitudes souvent insidieuses se manifestent différemment selon l’âge et l’origine ethnique de l’enfant. Les enfants qui apparaissent comme « adorables » lorsqu’ils sont petits, deviennent plus connotés en grandissant. Certains affirment que les enfants africains sont plus souvent victimes de racisme en grandissant, que les enfants asiatiques qui seraient mieux « appréciés ». Pour les Asiatiques, c’est le stéréotype de l’enfant parfait qui fait souvent la vie dure aux fillettes. Elles sont gentilles, dociles et elles devraient tout réussir. C’est souvent à l’adolescence que l’image stéréotypée de l’enfant « mignon » finit par s’estomper, laissant la place à d’autres ressentiments.

En grandissant, les enfants adoptés ethniquement différents souffrent des remarques des autres enfants ou subissent des pressions qui remettent en cause leur attachement à leur famille adoptive. Les différences culturelles sont pourtant de plus en plus manifestes dans les grandes cités occidentales. Mais la plupart des enfants adoptés issus de l’étranger sont sensibles aux remarques des autres. Il importe d’ailleurs qu’ils soient informés à propos de leur culture d’origine ou qu’ils apprennent leur langue originelle, afin notamment de retirer une certaine richesse de leur métissage culturel. En connaissant leurs racines, leur langue « maternelle », ces enfants prennent conscience que leur culture d’origine n’est pas un sujet tabou. Cette approche démystificatrice aide l’enfant à s’épanouir dans sa famille et son milieu. Les problèmes d’attachement sont aussi remis en question par cette dichotomie culturelle que l’enfant ressent parfois comme un dédoublement personnel. Il peut perdre confiance en lui ou rechercher d’autres figures d’attachement extérieurs à sa famille adoptive. Il peut aussi se poser des questions sur sa culture d’origine et la placer en compétition avec sa culture d’accueil, tout en déstabilisant son processus d’intégration.

L’enfant adopté se lance ainsi un véritable défi : trouver le juste milieu entre ses origines et sa destinée actuelle et consolider ses liens d’attachement avec ses parents adoptifs. Si la mission de tout parent est d’accompagner et de soutenir son enfant vers un épanouissement optimum, les parents adoptifs doivent relever un second défi : reconnaître leurs propres différences et accepter un certain décalage que tôt ou tard l’enfant qu’il ont adopté va installer.

Ayant dépassé une histoire singulière, les enfants adoptés se présentent parfois comme survivants d’un traumatisme précoce. Depuis leur naissance en passant par l’abandon, ils ont survécu physiquement et affectivement à diverses épreuves parfois innommables et surmonté des expériences plus ou moins douloureuses (guerre, famine, séparation, rupture de soin, décès des parents, viol, etc). D’un point de vue psychologique, il est tout aussi important de pouvoir diagnostiquer certains symptômes cliniques spécifiques du vécu des enfants adoptés. En reconnaissant ces signes, les parents peuvent soutenir l’estime de soi de leur enfant et l’aider à se construire. Au-delà de toute considération culturelle, le renforcement de sa construction personnelle est aussi la base de son identité.

En matière d’identité, l’enfant adopté a besoin d’être considéré en tant que personne à part entière et intégrée à une famille qui ne met pas de côté son histoire originelle. Il faut cependant éviter certains pièges qui pourraient renforcer des attitudes ou des prises de position extrêmes. Ainsi, certains parents font une fixation sur l’origine de leur enfant et se mettent à l’idéaliser. Tels parents sont si fiers de leur enfant d’origine indienne qu’ils transforment la décoration de la maison, changent totalement leurs habitudes alimentaires, apprennent le hindi en famille et racontent continuellement devant l’enfant leur merveilleuse expérience d’adoption. À l’opposé, certains cherchent à effacer toute trace du passé de l’enfant pour qu’il puisse repartir à zéro. A l’exemple de ces parents qui de bonne foi se débarrassent de tous les vêtements et objets que l’enfant portait sur lui le premier jour, afin qu’il oublie son passé pénible. Dans ces deux situations extrêmes, l’emprunte culturelle de l’enfant occupe paradoxalement tout l’espace de l’adoption. L’enfant doit apprendre à fonctionner avec ses deux identités. Lorsqu’il ressent le besoin d’appartenir à l’une ou l’autre référence culturelle ou familiale, l’enfant doit se sentir autorisé à opérer un libre choix. Qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, il est à la fois l’enfant de ses parents adoptifs et l’enfant d’une autre origine. Suivant les vicissitudes de sa propre existence et certaines périodes plus ou moins difficiles de sa vie, il sera confronté à des personnes, à des événements, à des rencontres qui ouvriront son coeur et son esprit à l’intelligence du monde d’où il est issu et où il s’est attaché.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:45

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En quête de sens et conflit identitaire

Au Québec, seulement 2% des enfants adoptés entreprennent des recherches sur leurs parents d’origine. Ce chiffre n’est pas différent dans les autres pays occidentaux où l’adoption est réglementée par des procédures légales. Cette législation n’est pas toujours adaptée dès lors que l’enfant adopté désire connaître des informations ou entreprendre des recherches à propos de ses parents naturels.

Selon les cas de figure, cette entreprise correspond à un véritable parcours du combattant ou une simple formalité administrative. La recherche des origines des enfants adoptés et/ou abandonnés engendre chez eux diverses problématiques des plus complexes, aux plus inattendues en passant par les plus douloureuses. Cette problématique soulève bien des interrogations qui restent souvent sans réponses, notamment dans les situations où l’enfant a été abandonné sous l’appellation « sous X » ou de manière « sauvage » sans balises administrativo-juridiques. Parfois, ils naissent sans prénom, sans nom et se demandent comment ils s’appellent en vérité ou pour quelle raison ils sont nés de manière anonyme. L’enfant adopté n’a alors aucun recours ni autres possibilités pour retrouver la trace de ses origines.

Certains enfants, surtout au moment de l’adolescence ou à l’âge adulte, expriment le souhait de retrouver la trace de leurs origines et de leur histoire. Même si aucune étude n’existe, il semblerait qu'au moment de l'adolescence apparaissent plus de difficultés (fugues et tentatives de suicides) chez les enfants adoptés que chez les autres, surtout dans les situations d'adoption internationale. Ces enfants reprochent parfois à leurs parents adoptifs d'avoir modifié le cours de leur destin, sans qu'ils aient eu la possibilité de donner leur avis. Chaque cas est particulier et il importe de ne pas généraliser. Dans l'adoption, les réussites dépassent amplement les échecs. Les problèmes lorsqu’ils apparaissent, sont également liés à la même crise d’adolescence que d’autres jeunes traversent avec leurs parents. Malgré des situations relativement satisfaisantes, l’enfant adopté une fois adulte ou parent se révèle parfois plus tard avec un mal-être profond qu’il ne s’explique pas toujours. A l’occasion, c’est un événement particulier qui déclenche un nouveau questionnement. En devenant parent à son tour, la personne adoptée se pose de nouvelles questions et entame des recherches.

Initiatique et relativement douloureuse, cette quête du sens confronte l’enfant adopté à l’énigme de son origine. La recherche qui n’aboutit pas ou qui laisse en suspens l’attente désespérée de celui qui recherche ressemble à s’y méprendre à une véritable épreuve et à une confrontation post-traumatique. L’espace-temps qui sépare l’enfant adopté et son parent naturel est souvent un immense fossé difficilement franchissable. Le stress émotionnel engendré par ce type de recherche est parfois si intense, que certaines personnes décompensent sur le plan psychique et développent des troubles de la personnalité plus ou moins importants. Etant donné la réalité de ces risques, il importe que la personne soit accompagnée dans cette quête à la fois existentielle et identitaire.

A travers cette recherche d’identité, l’enfant adopté tente de comprendre les motifs qui ont poussés sa mère à l’abandonner. Il désire se forger une opinion personnelle sur cette mère qui est parfois idéalisée et fantasmée de manière très différente de celle qui existe dans la réalité.

Selon les situations, les questions demeurent et l’écart se creuse entre l’attente de réponses et la remise en cause de ses propres origines. Certains enfants apprennent leur adoption par hasard ou tardivement, au détour d’une indiscrétion ou d’une impression personnelle. Le bouleversement qui s’en suit est propice au déclenchement d’une crise identitaire profonde et d’une remise en question de sa propre histoire personnelle.

En guise d’enquête sur soi et ses origines, certaines personnes adoptées décident de faire une sorte de pèlerinage sur leur lieu de naissance ou dans leur pays d’origine. Ils prennent alors conscience d’une autre réalité qu’ils voulaient approcher. Ils veulent objectiver leurs propres ressentiments et surtout comprendre. Certains constatent sur leur lieu de naissance que leur mère est simplement repartie seule alors qu’elle était arrivée enceinte. La simplicité du geste d’abandon est parfois à mille lieues de ce qu’ils pouvaient imaginer. De manière paradoxale, la signification profonde de l’acte d’abandon correspond plus à un geste d’amour et de reconnaissance qu’à un passage à l’acte de rejet.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:47

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Recherche identitaire et enquête sur ses origines

Indépendamment de repères psychoaffectifs dont ils ont bénéficiés dans leur foyer adoptif, les personnes qui souhaitent connaître leurs origines sont en quête de sens. Cette quête de sens est diverse et varie d’une personne à l’autre. L’affection, elles l’ont reçues auprès de leur famille adoptive. Elles recherchent encore moins un héritage. Après un abandon, il est d’ailleurs juridiquement impossible de devenir l’héritier de ses parents biologiques. Le chercheur de sens ne veut pas mourir sans savoir d’où il vient, de quelles personnes il est issu biologiquement, ce qu’elles sont devenues et s’ils existent des ressemblances, etc.

Dans certains cas d’enfants adoptés, leur recherche signifie que les parents adoptifs auraient échoué dans leur rôle ou leurs prestations psychoaffectives. Mais de manière générale, la motivation des adoptés n’est jamais la revanche mais plutôt l’expression d’une volonté de savoir. Il est très probable que pour s'autoriser à chercher ses origines, il faut que l’adoption ait été réussie et que les parents adoptifs marquent le coup à l’égard de cette nouvelle étape-épreuve existentielle dans le sens d’un soutien à leur enfant.

En parallèle, les parents adoptifs vivent parfois difficilement certaines questions de leur enfant adopté, notamment parce qu’ils n’ont pas beaucoup de réponses à lui offrir. Or, l’enfant adopté qui grandit se pose de plus en plus de questions et confronte ses parents adoptifs à son mal-être intérieur, susceptible de les culpabiliser et d’engendrer des conflits interpersonnels. Au moment de l’adolescence des tensions nouvelles surgissent et se combinent à la crise adolescentaire classique. Les parents adoptifs se demandent alors comment épauler leur enfant dans ses recherches. Ils ressentent des angoisses associées à des sentiments ambivalents et mélangés de jalousie, de concurrence, de dépossession ou de trahison. Malgré leurs craintes et leurs ressentiments, ils perçoivent aussi toute l’importance de cette quête pour leur enfant. Ce dernier est parfois animé par la crainte de faire de la peine à ses parents adoptifs et risque de réfréner son désir profond de chercher.

En France, la loi du 17 juillet 1978 (modifiée le 12 avril 2000), en donnant aux enfants adoptés ou abandonnés la possibilité d'accéder aux dossiers administratifs, a permis de lever une partie du secret concernant leur adoption. Cette loi du 17 juillet 1978 est un texte essentiel. Jusque là, le secret était la règle et la communication l'exception. Avec cette loi, la règle devient la communication et le secret l'exception. Elle affirme que tout le monde a le droit de savoir ce que l'administration sait sur lui. Mais cette loi comporte des exceptions qui limitent les possibilités de communication. En particulier, tout ce qui pourrait porter atteinte à la vie privée n'est communicable qu'à l'intéressé. Cette restriction est ambiguë et ouverte à diverses interprétations. D’autant que la naissance concerne la vie privée, tant celle de la mère que de l'enfant. La loi Ségolène Royal du 22 janvier 2002, relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'État, a notamment créé un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP). Le Centre national d’accès aux origines personnelles s’est institué comme une banque de données archivées à la disposition des personnes ou des associations qui recherchent certaines informations. La mère qui abandonne est autorisée à laisser des traces plus ou moins significatives dans un dossier qui reste à la disposition de l’enfant, lequel une fois adulte pourra exprimer le souhait de consulter ces données archivées pour en savoir plus. L'accouchement secret est maintenu, la mère laisse son identité si elle le veut bien, mais celle-ci ne sera communiquée qu'avec son accord, tout comme avant. En limitant ainsi le monopole du secret, cette loi témoigne d'un nouvel état d'esprit, tenant compte de la souffrance des personnes adoptées ou abandonnées.

La « Coordination des actions pour le droit à la connaissance des origines » (CADCO) s’est également instituée afin de prendre en considération les droits respectifs des abandonnés, des adoptés, des mères qui ont accouché « sous X », des adoptants, et des « spécialistes » (juristes, psychanalystes, travailleurs sociaux). Il ne faudrait cependant pas opposer les droits des uns aux droits des autres, notamment les droits de l'enfant à ceux de la mère. Parfois antagonistes, ces droits sont complémentaires et doivent s'articuler.

Administrative dans un premier temps, cette démarche de recherche nécessite un accompagnement ad hoc. La consultation de son dossier administratif par une personne adoptée ou abandonnée n'est jamais anodine. Dans certains cas, elle peut avoir un effet perturbateur. Un accompagnement bien fait peut s'avérer très utile. Bien souvent, ces dossiers sont incomplets ou ne permettent pas de retrouver une trace significative. Cette procédure associée à une enquête administrative permet de lever le secret de manière progressive. L’anonymat des parties est cependant respecté tant qu’il n’y a pas accord sur le principe d’un premier contact (épistolaire, téléphonique et/ou autre). Un pacte a été scellé entre le parent qui abandonne et l’administration qui régit et archive ces dossiers délicats. L’acte d’abandon est souvent réalisé sous couvert de l’anonymat ou recouvre un secret indicible. Les parents qui abandonnent n’éprouvent pas toujours le désir de revoir et/ou retrouver l’enfant qu’ils ont abandonné. La mère qui abandonne n’est pas toujours prête à revoir son enfant naturel. D’autant si elle n’en a jamais parlé à personne et encore moins aux membres de son entourage familial actuel ou à ceux qui partagent sa nouvelle vie. Plus de 2/3 des femmes retrouvées refusent de revoir leur enfant. Parce qu’elles ont peur de subir un choc trop bouleversant, elles ne veulent pas prendre le risque de retrouvailles qui pourraient remettre en cause la décision d’abandon et/ou interférer avec leur nouvelle existence et celle de leurs proches.


Entre identité réelle et filiation, un droit au savoir, une question de santé

En psychopathologie, nous observons que lorsqu’un enfant ignore l’identité de ses géniteurs et l’histoire de ses origines naturelles, il peut souffrir de troubles plus ou moins révélateurs. L’ignorance, les secrets et les non-dits cultivés par des parents adoptifs ne peuvent qu’engendrer des réactions néfastes et des troubles chez l’enfant adopté. En connaissance de cause, les parents qui tiennent cachés des éléments connus en fonction de leurs seuls besoins personnels mettent en péril leurs propres capacités à nouer des liens de filiation fiables et sincères. La connaissance de l’identité ou de la personne des parents naturels n’a pas pour vocation de réparer la blessure narcissique induite par le fait d’avoir été abandonné. Retrouver la source de ses origines et/ou être confronté à la réalité de ses géniteurs n’empêchent ni l’activation, ni le refoulement des traumatismes précoces issus du vécu d’abandon dans une institution, de l’anonymisation de l’identité, d’un parcours institutionnel instable, des séparations multiples et des nombreuses carences affectives accumulées.

« Ai-je le droit de savoir? » s’interroge l’enfant adopté. A ses origines floues et lointaines, résonne la question « Qui sont mes vrais parents? ». A propos de ses parents d’adoption, l’adopté se demande « Suis-je malgré tout leur véritable enfant? ». Avec des questions aussi fondamentales et sensibles, l’enfant doit parfois soulever des montagnes et lever des secrets à la limite malsains ou pathologiques qui le concernent en premier lieu. A travers ses recherches et réflexions, l’adopté peut se réconcilier avec son passé et consolider des liens authentiques avec ceux qui l’ont soutenu dans sa démarche. Les relations de filiation existent au-delà des liens de sang entre procréateurs et procrées. En traversant parfois les épreuves spécifiques du roman familial, et tout en intégrant le conflit oedipien, des sentiments forts de filiation et de parentalité naissent entre adoptants et adoptés. La revendication de connaître certains éléments de réponse concernant ses parents géniteurs participe aussi à la crise d’identité surtout opérante au moment de l’adolescence où se (re)jouent des conflits importants entre l’adolescent et ses parents adoptifs. Ces derniers devraient d’emblée en être avertis, dès lors qu’ils élaborent un projet d’adoption.

S’appuyant sur la Convention internationale des droits de l’enfant, certains militent activement pour une législation rendant impossible l’ignorance des enfants concernant leurs géniteurs, allant jusqu’à interdire l’accouchement et l’abandon secret ou l’anonymat du don de gamètes. L’enfant adopté a donc le droit de savoir au moins pour tenter de comprendre et donner du sens à son existence.


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Message  Cécile Mer 19 Avr - 16:48

(suite et fin)

Conclusion : l’adoption, une double identité?

L’adoption n’est pas forcément une double fatalité. Tous les enfants adoptés ne présentent pas des troubles psychologiques significatifs d’une quête éperdue d’identité autour de la question des origines. Si certains entreprennent des recherches sur leurs origines, d’autres vivent de manière épanouie auprès de leurs parents de coeur. Ils savent quel sens donner à l’énigme de leur abandon, sans pour autant avoir renoncé à cette part d’eux-mêmes et à cette histoire qui les a lié à d’autres parents que ceux de leur naissance.

Le pourcentage d’enfants adoptés qui organisent des recherches sur leurs parents naturels semble peu important. Pour certains, la question des origines reste cependant existentielle et primordiale. Ils souffrent parfois jusqu’à l’épuisement psychique et l’expression de certains troubles plus ou moins psychopathologiques. Pour d’autres, cette recherche est vaine, voire inutile, et ils sont parvenus à construire autrement leur existence, avec de meilleures assises. Il est très probable que les processus d’identification et d’attachement renforcent chez la majorité des enfants adoptés leurs sentiments d’appartenance à leur famille adoptive, devenue avec le temps leur unique famille.

De l’enfance à l’adolescence, l’intérêt de l’enfant envers son adoption varie suivant ses phases de développement et de structuration psychique. D’une étape à l’autre, l’enfant acquiert de nouvelles capacités cognitives et structures psychosociales. Il perçoit l’adoption différemment. Selon l’âge et son degré de maturité, il exprime différentes préoccupations et de nouvelles questions. Ces questions peuvent s’atténuer jusqu’au passage à une nouvelle phase cognitive ou psychosociale. Les parents peuvent faciliter ce processus développemental en s’informant, en appuyant leur enfant et en lui répétant l’histoire de son adoption. Le deuil que vit leur enfant est réel et ne doit être ni nié, ni évité. Le soutien de certains intervenants spécialisés est précieux pour aider les parents adoptifs et leur enfant. Dès lors que l’enfant souffre de dépression ou présente des symptômes qui nuisent à son fonctionnement quotidien et à son épanouissement personnel, une consultation auprès d’un psychologue ou d’un pédopsychiatre s’impose. Les pédiatres et les autres professionnels de l’enfance devraient aussi proposer des conseils de prévention aux parents adoptifs sur les enjeux pertinents relatifs à la manière dont leur enfant comprend son adoption.

En termes d’évolution psychologique, d’identité, d’attachement et de filiation, l’enfant adopté ne diffère pas outre mesure des enfants issus de parents biologiques. Inscrit dans une autre généalogie et reconnu légalement, il connaît une histoire singulière articulée à une double référence parentale. La continuité entre ses origines naturelles et sa nouvelle filiation façonne des liens affectifs qui fondent ses identifications et sa personnalité. De la naissance à l’âge adulte, la personne adoptée continue à questionner l’histoire de son adoption, afin notamment de comprendre le sens profond de son existence et savoir transmettre à la génération suivante.



Bibliographie

Brodzinsky D. (1990). The Psychology of Adoption. Oxford: Oxford University Press.

Brodzinsky DM, Schechter MD, Marantz Hening R. (1992). Being Adopted: The lifelong search for self. New York: Doubleday.

Cubito DES., Brandon QUO. (2002). Modifications psychologiques chez adultes adoptés: estimation de la souffrance, depression, et colère. Am. J Orthopsychiatry. Department of Psychology, University of South Florida.

Collectif d’auteurs (2004). L’aventure de l’adoption. in : l’école des parents, 2-3/2004, n°1. EPE: Paris.

Derdeyn A, Graves CL. (1998). Clinical vicissitudes of adoption. Child Adolesc
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