D'une mère à l'autre
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Les propos maladroits

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Message  Espoir65 Ven 16 Fév - 10:18

voici un texte que j'ai trouve sur le site www.quebecadoption.net
et qui present eles choses sou un autre angle (encore un Wink )

Ma voisine
ou les propos maladroits...



Été 2006


Ma voisine, c’est mon frère, c’est ma belle-mère, un copain, c’est aussi ma voisine. Le manque d’ouverture peut prendre différents visages mais il habite toujours en face de chez nous et rôde autour de nos choix en leur donnant de temps à autre un coup de patte pour tenter d’en écorcher l’équilibre. Par méchanceté ? Par ignorance ? Peut-être. Peut-être pas après tout.

Étudiante dans l’âme, j’avais pourtant bien appris ma leçon : d’abord panser ses plaies, ensuite s’occuper de soi et de ses deuils (et Dieu sait qu’il y en a !), puis se lancer dans cette formidable aventure qu’est la naissance de notre famille grâce à une greffe. Comme tout patient, nous avons vécu sur la liste d’attente des années et puis un jour, il y a eu un coup de fil, une donneuse, la vie !

Mais ai-je bien appris ma leçon ? Moi et M. Ladouceur. Nous. Lui. Moi. Notre couple. Moi. J’ai bien pris soin de nous pourtant ! Je n’avais seulement pas prévu au programme la souffrance de mon entourage, le deuil d’autrui. De ces grands-parents privés d’un petit enfant avec leur nez, de ces oncles et tantes qui auraient aimé regarder les orteils minuscules du premier arrivé et de prendre le temps de l’apprivoiser à leur rythme, de ma voisine qui menait un dur combat contre la Nature avec huit années de traitements en infertilité. Je n’ai vraisemblablement pas respecté les attentes et combats de chacun, nous nous sommes spontanément tournés vers l’adoption, aussi spontanément qu’un acte d’amour, aussi spontanément qu’une « p’tite vite » ! Je n’ai pas livré le combat auquel elle s’attendait, je n’ai pas enfanté naturellement le premier petit-fils de ma famille. Après leur silence durant l’attente, je leur ai présenté une petite tornade de deux printemps au passé tout cabossé, pas rosé du tout et qui dit « non » !

Je la revois lors de la fameuse annonce de notre projet, je revois son visage qui se rembrunit et se crispe sous l’effet de la douche froide : « On va tout de même pas prendre dans notre famille un enfant dont les parents n’ont pas été assez responsables pour s’en occuper ???!!! Déjà que je trouve ça naiZeux qu’on donne des déjeuners à l’école, les parents ont juste à les nourrir leurs gamins ! Pis qu’est-ce qu’on va faire avec, si jamais il vous arrivait quelque chose ? Cet enfant-là appartient à personne ». Les prochaines fêtes de Noël ne s’annonçaient pas des plus tristounettes ! D’ordinaire, j’ai les yeux en amande, ils ont pris la forme d’un O et la bouche bée. C’était le coup d’envoi d’une longue série de propos colorés tantôt du mauve guimauve de l’ignorance tantôt du bleu acier de la méchanceté, le rose réconfort ne faisant apparemment pas partie de la palette.

Je nous revois, Ladouceur et moi, courant et roucoulant de bonheur comme des poules ayant perdu la tête dans l’escalier, essayant de faire entrer la maison entière dans nos valises à 48 heures du grand départ. Et cette autre voisine assise dans ce même escalier, ses mains sur son ventre trop vide, secouant ses sanglots et ses inséminations infructueuses en murmurant comme une litanie : « Je ne peux pas croire que moi aussi j’en suis rendue là, à aller m’acheter une petite Chinoise. En plus les Chinois débarquent ici pour voler nos jobs ». Heureusement, une mini-voisine est née il y a un mois, après une décennie de traitements, d’acharnement, d’attentes et d’espoirs sur les épaules. Heureusement, une petite fille de Chine a pu échapper à un amour conjugué au conditionnel et au plus-que-parfait. Le discours est omniprésent : « Je veux avoir un enfant ». « Vous l’avez payé combien ? » « Adopté ? C’est toi ou ton mari qui est infertile? » « C’est de valeur que sa mère l’ait laissé, il est tellement beau pourtant ».

Et j’ai révisé ma leçon ! Parfois, de tels propos relèvent de l’ignorance, parfois de la méchanceté certes… mais parfois aussi de la souffrance. La souffrance de prendre conscience qu’élever un enfant est un privilège et non un droit. Alors à toutes les voisines, belles-mères, copains, frères, je promets d’essayer de prendre aussi soin de vous. Mais quand l’ouverture de la fenêtre de l’esprit est trop étroite, il faut non seulement la refermer et aller sonner à la porte mais encore faut-il s’essuyer les pieds sur le paillasson des préjugés avant d’entrer !




Barbara Martel
La Cigogne, Été 2006
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